Coup de cœur historique

Titre : La Toile du monde

Auteur : Antonin Varenne

Note : ♥♥♥♥♥

Prix : 21€50

Maison d’édition : Albin Michel

Nombre de pages : 347 pages

 

Aileen Bowman est journaliste américaine et est envoyée, après avoir beaucoup insisté auprès de son rédacteur en chef (mais vous verrez que c’est une femme qui sait ce qu’elle veut,) pour couvrir l’Exposition Universelle de 1900 à Paris. Elle embarque alors sur un bateau en partance de New York pour la Ville Lumière. Mais cette femme n’est pas une Américaine bien rangée écrivant des articles de mode. Elle a grandi dans un ranch, le ranch Fitzpatrick où son père lui a appris à chasser, à manier un pistolet, à monter comme un homme. Aileen côtoyait également des Indiens d’Amérique qui lui ont enseigné à suivre une piste. Pour faire court : elle est tout sauf conventionnelle. Cette expédition à Paris cache deux autres motifs : retrouver Joseph son demi-frère et partir en Alsace, sur les traces de sa mère décédée.

J’ai trouvé ce roman magnifique et vraiment je le conseille.

Le premier point par lequel j’aimerais aborder cette chronique est le style de l’auteur que je trouve absolument sensationnel. Vraiment incroyable et particulier. Tout d’abord sa plume est douce, fine, aérienne, magique, addictive sans être dévorante. Elle attire le lecteur vers le livre de façon pernicieuse, manipulatrice, sans toutefois que l’on n’éprouve de besoin irrépressible de reprendre la lecture ! Pourtant on veut y revenir et croyez moi que l’on y revient rapidement. Ce que je trouve incroyable est la capacité de l’auteur de description. Il est capable de passer des pages à décrire un tableau, des pages encore à décrire l’intérieur d’une pièce d’une maison close mais une ligne pour décrire un monument historique. Les choix de narration faits par l’auteur sont je trouve très intéressants et décalés par rapport à d’autres romans qui eux, accorderaient plus d’importance à un monument qu’à une maison close.

La narration nous fait d’ailleurs passer d’un narrateur banal dont le simple rôle est de conter l’histoire, au point de vue des protagonistes. Cela sans prévenir. Nous avons ainsi Aileen nous contant l’histoire, Julius un peintre de renom, Agnès femme d’ingénieur ou encore Joseph un Indien d’Amérique. Cette histoire est multicolore et géniale puisque des points de vue peu semblables sont mis en lumière, des opinions et conceptions différentes quant au nouveau siècle, à cette Exposition universelle ou aux nouveaux modes de vie. La narration s’adapte merveilleusement bien à chaque point de vue.

 

Les personnages sont tous dingues du début à la fin, en commençant par le personnage principal : Aileen Bowman. Elle représente à elle toute seule, une ode à la liberté et la libération. Son âme est révoltée dont la soif de vivre est insatiable. C’est un des traits qui m’ont le plus marquée chez Aileen : cette rage et cette envie de vire qu’elle souhaite à tout prix transmettre. Elle ne peut supporter l’idée de côtoyer des personnages qui dépérissent.

Un autre personnage que j’ai adoré est Joseph, le demi-frère d’Aileen. Son père est Indien et sa mère Blanche faisant de lui un mi-Rouge, mi-Blanc rendant ses observations et points de vue extrêmement intéressants. Ces derniers sont pas mal exploités dans l’ouvrage environ au milieu, donnant encore plus d’impact à ses idées puisqu’ils mettent en lumière celles des autres, plus conventionnelles. Ses idées sont totalement différentes sur les Rouges et les Blancs, sur leur façon de vivre, sur le fossé qui sépare ces deux couleurs de peau, sur la culpabilité, le devoir mais également la folie. Ce personnage s’inscrit grandement dans la symbolique. Il symbolise le réfractaire au changement, la haine pour ce nouveau siècle qui va trop vite et qui n’hésite pas à abandonner beaucoup de ses enfants s’ils n’arrivent pas à suivre. Joseph n’est pas une sorte de conservateur qui a peur du changement, de la nouveauté. C’est un homme qui souhaite rester fidèle aux valeurs de ses ancêtres indiens tel que la simplicité, le devoir, l’honneur, la loyauté.

Il symbolise assez bien je trouve la fracture entre nouveau monde et ancien monde, mise en lumière par le choix de l’année : 1900. L’année de transition vers le siècle des excès, le siècle de l’industrie, de la machine, du fer, de la vitesse, de la masse. Un jeu est mis en place tout au long du roman sur cette opposition, qui m’a beaucoup plu. Cela notamment, est montré par le biais d’Aileen qui éprouve tour à tour excitation et émerveillement devant ces nouvelles inventions, puis crainte et nostalgie. La vie menée dans son ranch aux Etats-Unis représente une vie plus simple, pleine de liberté, de grands espaces. Aileen est triste que ce style de vie représentatif du XIXe siècle se fasse rapidement dévorer par ce nouveau siècle qui engloutit tout sur son passage.

 

Les thèmes abordés dans l’ouvrage m’ont énormément plu, surtout celui du féminisme et du sexe. Le sexe est un sujet qui m’intéresse énormément d’un point de vue sociologique et social ; je le trouve extrêmement révélateur d’état d’esprit. Il est dans ce roman énormément abordé, de manière très crue parfois, d’autres fois de manière plus sensuelle et lascive mais jamais de manière vulgaire ou gênante. Il prête une aura toute particulière au livre, très charnelle et proche du lecteur. Durant tout le roman, nous plongeons dans l’intimité d’Aileen Bowman ; comment mieux le faire que par l’intermédiaire de ses moments intimes ?

Par ce biais, les relations lesbiennes et bisexuelles sont abordées. Ce que j’ai trouvé extrêmement appréciable c’est que l’auteur n’utilise pas le sujet de la bisexualité ou des relations lesbiennes comme une valeur ajoutée pour son livre ou un argument marketing. Elles sont juste abordées, parce que c’est comme ça. Antonin Varenne ne cherche pas à les expliquer, les naturaliser ou les embellir. Elles sont juste là et décrites de la même façon que des relations hétérosexuelles. Bien sûr, Aileen n’est pas totalement libérée là-dessus et ne crie pas sur tous les toits qu’elle aime les femmes (nous sommes en 1900 tout de même) mais la façon dont l’auteur a d’en parler est réellement bien.

Enfin d’autres thèmes comme les quêtes personnelles à accomplir, des devoirs à honorer, la famille et tout ce que nous lui devons, sont présents dans le roman.

 

Je voudrais parler de tant de choses encore, analyser ce roman du début à la fin, scène par scène mais je manque de temps et d’expérience pour cela. J’espère juste du fond du cœur que cette chronique aura réussi à retransmettre au moins 1/10 de ce que j’ai ressenti durant ma lecture et combien par la suite, je la trouve toujours incroyable. Je pense que je n’y suis pas arrivée parce que j’ai tellement de choses à dire sur ce roman, sur combien je trouve Antonin Varenne brillant dans sa façon d’appréhender les choses.

Achetez ce livre !

Des bisous,

Milly

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